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PREMIÈRE SECTION


rience du cours des choses, mon incapacité à parer à toutes les circonstances qui peuvent se produire, je me pose seulement la question suivante : Peux-tu aussi vouloir que ta maxime devienne une loi universelle ? Si je ne le puis, il faut la rejeter, non pas à cause du dommage qui pourrait en résulter pour toi ou pour les autres, mais parce qu’elle no peut entrer commo principe dans une législation universelle possible. Or la raison m’impose d’une manière immédiate lo respect de cette législation, bien que je ne voie pas encore sur quoi elle se fonde (recherche que peut entreprendre le philosophe), mais je puis au moins comprendre que la valeur que j’apprécie est bien supérieure à celle dont on juge d’après l’inclination et que la nécessité d’agir par pwrrespect pour la loi pratique est justement ce qui constitue le devoir, le devoir devant lequel doit s’effacer tout autre motif d’action, parce qu’il est la condition d’une volonté bonne en elle-même cl dont la valeur est supérieure à tout.

L’examen des idées morales qui appartiennent à la raison vulgaire nous a donc conduits jusqu’au principe de ces idées, principe que le bon sens ne conçoit pas, il est vrai, sous une forme générale et abstraite, mais qu’il a toujours réellement en vue et qu’il prend pour règle de ses jugements. 11 serait facile de montrer comment, cette boussole à la main, l’homme sait parfaitement distinguer en toute occasion ce qui est bien et ce qui est mal, ce qui est conforme ou contraire au devoir. Il suffirait pour cela, sans rien lui apprendre de nouveau, de le rendre attentif, suivant la méthode socratique, à son propre principe. On verrait ainsi qu’il n’a pas besoin de science ni de philosophie pour savoir ce qu’il doit faire pour devenir honnête et bon et même sage et vertueux. D’ailleurs, avant tout examen, on pouvait bien se douter que la connaissance de ce que chacun a l’obligation de faire, et par conséquent de savoir,