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PREMIÈRE SECTION


nation mais par devoir. Et c’est alors seulement que sa conduite aurait, à proprement parler, itne valeur morale*.

C’est do celle manière sans doute qu’il faut entendre les passages de l’Écriture où il est ordonné d’aimer son prochain, mémo son ennemi, car l’amour, en tant qu’inclination, ne peul être ordonné. Mais une bienfaisance commandée par le devoir, à laquelle ne nous porlc aucune inclination, dont nous détourne mémo une répugnance naturelle el insurmontable, voilà un amour pratique et non pathologique*, qui réside dans la volonté et non dans le penchant sensible, dans les principes de l’action et non dans une compassion amollissante. Un lel amour est le seul qui puisse êlro ordonné.

Ma seconde proposition 3 est qu’une action faite par devoir, tire sa valeur, non pas du but que l’on se propose d’atteindre, mais de la maxime qui la détermine, l’eltc valeur no dépend donc pas de la réalité de l’objet de l’action, mais du principe en vertu duquel la

1. L’idée est la suivante : L’homme qui cherche le bonheur par inclination pourra préférer un plaisir immédiat et certain à l’espérance incertaine d’un bonheur lointain, mais l’homme qui cherche ce même bonheur par devoir ne cédera jamais à une pareille tentation. Par devoir, on préférera toujours la santé, même incertaine, au plaisir du moment, parce que ce plaisir ne peut contribuer.en rien a notre vertu, landis que la santé est une condition favorable pour remplir son devoir.

2. Le&moU prakîisehe el pathologische Liebe sont difficiles a traduire en français. L’amour pathologique ou plutôt passif (car le mot français pathologique implique une idée toute différente de cefle que veut exprimer Kanl) est celui qui résulte de notre organisation et de

notre tempérament et que nous subissons. L’amour pratique est celui que la loi ordonne : il semble consister a agir, par devoir, comme si l’on aimsit, plutôt qu’a aimer véritablement. On peut douter que tel soit le véritable esprit de l’Evangile.

3. La première proposition est celle que Kant vient d’énoncer, à savoir qu’une action morale n’a aucune valeur si elle n’est accomplie par devoir, et non pas simplement selon le devoir. La seconde affirme que c’est le principe formel et a priori du vouloir qui fait la valeur de l’action, et non le résultat matériel de cette action De ces deux propositions se déduit la définition du devoir : la nécessité de faire une action par respect pour la loi.