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FONDEMENTS DE LA MÉTAPHYSIQUE DES MŒURS.

Assurer son propre bonheur esl un devoir (au moins indirect), car un homme mécontent do son sort, accablé do soucis de loules sortes, pourrait facilement, au milieu des besoins qu’il no peut satisfaire, — être fortement tenté de transgresser ses devoirs 1. Mate, dans ce cas encore, sans considérer le devoir, tous les hommes trouvent en eux-mêmes une inclination des plus puissantes et des plus profondes qui les porto vers le bonheur, parce que c’est précisément dans celte idée du bonheur que se résument toutes leurs tendances. Mais les prescriptions qui se rapportent au bonheur ont généralement pour caractère de léser gravement quelques-unes do nos tendances et l’homme ne peut se former aucuno idée sûre cl précise do celte satisfaction de l’ensemble de ses désirs qu’il appelle le bonheur*. Aussi ne doit-on pas s’étonner qu’une seule inclination parfaitement déterminée, quant à la jouissance qu’elle promet et quant à l’époque où elle pourra être satisfaite, puisse l’emporter sur une idée aussi incertaine. Ainsi un homme, un goutteux par exemple, pourra se décider à manger un mets qu’il aime, quitte. à souffrir ensuite, parce que le résultat de son calcul, en co cas.du moins, a été de ne pas renoncer à la jouissance de l’instant présent pour l’espoir, peut-être trompeur, du bonheur associé à la santé. Mais, dans ce cas encore, quand même la tendance. générale au bonheur ne déterminerait pas sa volontét quand même il ne serait pas nécessité tout au moins à donner dans ses calculs une place prépondérante à la santé, il resterait, dans ce cas comme dans les autres, une loi qui lui prescrirait de travailler à son bonheur non par incli1.

incli1. (Critique de la liaison pratique : Examenetitique, etc. Rarni, p. 279 ; Picavet, p. 168) dit, dans le même sens, que le bonheur donne les moyens de remplir son

devoir, et que la privation du bonheur pousse l’homme à y manquer. 2. Kant reviendra sur cette idée et la développera dans la deuxième section, Voyez p. 48.