raison pratique, car il s’agit après tout d’une seule et même raison dont les applications seules doivent être distinguées. Or, je ne pourrais réaliser une œuvre aussi complète sans y mêler des considérations d’une lout autre nature qui embrouilleraient le lecteur. C’est pourquoi, au lieu d’appeler ce livre : Critique de la raison pure pratique, j’ai préféré me servir du titre de Fondements de la Métaphysique des mœurs 1[1].
En troisième lieu, comme une Métaphysique îles mœurs, en dépit de ce titre quoique peu effrayant, est susceptible d’une forme populaire et plus appropriée à l’entendement vulgaire, je trouve utile de publier à part ce travail préparatoire des Fondements, afin de ne pas mêler plus tard à un enseignement plus facile les subtilités inévitables en cette matière 2[2].
Ces Fondements, que je présente au public, n’ont d’autre objet que de rechercher et d’établir exactement le principe suprême de la moralité, travail qui, par son objet, forme à lui seul un tout bien distinct des autres recherches éthiques. À la vérité mes assertions sur ce point capital, qui jusqu’ici est loin d’avoir été étudié d’une manière satisfaisante, gagneraient beaucoup en clarté, si ce principe était appliqué à tout le système et recevraient une importante confirmation de ce fait que partout on le verrait suffire ; mais j’ai dû renoncer à cet avantage, qui au fond répondrait plutôt à un intérêt personnel qu’à une utilité générale, parce que le fait qu’un principe est d’une application facile et paraît suffisant ne fournit pas une preuve sûre de sa justesse ; il éveille au contraire en nous une certaine partialité qui peut nous empêcher de l’examiner et de
- ↑ 1. Kant ne fera donc pas dans cet ouvrage la critique de la Raison pratique ; il affirme le devoir, il analyse le contenu de ce concept, sans en démontrer la valeur objective.
- ↑ 2. En effet, la Métaphysique des mœurs de Kant est une sorte de morale pratique a priori, parfaitement accessible à tous les esprits.