Page:Kant-Fondements de la métaphysique des moeurs, trad. Lachelier, 1904.djvu/33

Cette page n’a pas encore été corrigée
xxiii
LA MORALE DE KANT

Dans ce dernier ouvrage Kant nous fait apercevoir dans l’impératif catégorique une conséquence à laquelle conduit tout naturellement la distinction établie par la Critique de la Raison pure entre le monde des phénomènes elle monde des noumènes. Les deux concepts inséparables de liberté et de devoir absolu s’accordent admirablement avec l’idée d’un inonde intelligible opposé au monde sensible.

Voici à peu près comment Kanl raisonne : Il faut que nous nous supposions libres pour nous proposer d’obéir à la législation de la volonté raisonnable. L’autonomie suppose donc la liberté ou plutôt les deux concepts n’en font qu’un : Qui dit autonomie dil volonté libre. En montrant que ce double concept d’autonomie et do liberté s’accorde avec l’idée d’un monde intelligible distinct du monde sensible, nous en établissons au moins la possibilité. Or, nous savons en quoi consiste cel accord. La Critique de la liaison pure, en réduisant à la valeur de simples phénomènes le monde extérieur en même lemps que le monde intérieur de notre conscience, nous avait tout naturellement suggéré l’idée d’Un autre monde, étranger aux formes d’Espace et de Temps et dans lequel pourrait régner la liberté. Elle avail aussi montré que notre raison ne pouvait s’empêcher de se former des idées relatives à ce inonde transcendant, entre autres l’idée de notre propre |>ersonnc affranchie des conditions de l’univers sensible, sans pouvoir il est vrai démontrer la valeur objective de ces idées. Or voici que nous découvrons en nous, avec toiil l’éclat de l’évidence, une loi pratique, qui ne peut avoir de sens que jwr la liberté, qui même esl presque identique à la liberté. Ne |ieut-on pas dire que ces notions, loul au moins inséparables, viennent compléter de la manière la plus heureuse les données de la Critique ? La Critique nous avait conduits au résultat suivant : L’homme n’est pas seulement un Entendement capable de relier entre eux des phénomènes successifs, il est encore une liaison, invinciblement portée à se croire libre. Or voici que la Morale exige justement la liberté pour donner un sens au mol Devoir.

Dans la Critique de la liaison pratique Kant raisonne à peu près de la même manière. Il part de la loi morale qu’il considère comme un fait apodicliquement certain. Puis il découvre que ce fait sert de principe à la déduction de la liberté cl il conclut qu’on délivre ainsi une « lettre de créance