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INTRODUCTION


est vrai qu’elle ne réussit pas dans celto entreprise, parce que les phénomènes, à cause du Temps et do l’Esjiace qui en sont les formes nécessaires, ne se prêtent pas à celle systématisation, mais il n’en est pas moins vrai que ces idées d’unité peuvent correspondre a quelque chose. L’unité que la raison prescrit et dont elle voudrait imiioser la forme à la nalure, peut être quelque chose de réel en dehors du monde des phénomènes, bien qu’il soit impossible de le démontrer. Or, cela posé, il est tout naturel que celle même raison (car la raison pratique ne diffère pas au fond de la raison théorique*) se sente obligée d’imposer cette même forme d’unité, non plus seulement aux phénomènes de la nature, mais aux actions volontaires, de manière à les réduire elles aussi à une sorte de système ; et c’est justement ce qu’elle fait au moyen de l’impératif catégorique, qui n’est autre chose, nous allons le voir dans quelques instants, qu’une loi d’unité. Et de même que les idées de la raison s|>éculativc sont l’expression d’une réalité nouménale, qui nous échappe, do même l’impératif correspond à la loi mystérieuse qui régit l’être absolu.

En résumé, si pous étions seulement des Entendements,’nous rciis contenterions de relier les phénomènes entre eux par lc « catégories, nous fonderions ainsi la science de la nature et cette science nous suffirait. Nous ne nous poserions même pas la question de savoir d’où vient le monde et s’il peut former dans son ensemble une unité intelligible. De même, au point de vue pratique, nous nous contenterions de la connaissance empirique des lois psychologiques de la volonté et nous ne concevrions pas d’autre but de notre activité que de nous procurer, grâce à la connaissance de ces lois, la plus grande somme de bonheur possible sans nous demander si notre conduite s’accorde bien avec elle-même. Mais nous sommes doués de Raison et, à ce litre, nous voulons établir une parfaite unité à la fois dans le domaine de la nature physique et dans le domaine moral de notre activité, et c’est pour y parvenir que nous —concevons d’un côté les idées transcendantes de la raison spéculative et de l’autre l’impératif de la raison pratique.

Le point le plus difficile et en même temps le plus impor-

1. Kant le dit expressément dans la préface et la 3* section des Fondements.