Page:Kant-Fondements de la métaphysique des moeurs, trad. Lachelier, 1904.djvu/26

Cette page n’a pas encore été corrigée
xvi
INTRODUCTION


concevoir une loi suprême, dont l’origine n’est pas dans le monde sensible et l’imposer à la volonté.

11 faut ici, pour comprendre Kant, nous détacher des idées auxquelles notre éducation nous a presque tous habitués et d’après lesquelles le bien consiste à poursuivre certaines fins auxquelles nous attribuons une valeur plus ou moins absolue tout 1 en les désirant. Toutes les morales qui font dériver la loi d’une fin désirable et flattant plus ou moins notre amour-propre, lin dont l’idée est empruntée à la nature, sont, nous l’avons vu, des morales utilitaires. Pour échapper à l’utilitarisme, il faut résolument sortir de la nature, où règne à peu près sans partage le principe de l’amour de soi et plier notre volonté à une loi qui ne se rapporte à rien de ce que nous pouvons imaginer et n’ait rien de commun avec les lois de la nature. Cet’e loi peut être la loi de l’être noumène apparaissant à l’être phénomène et nous pouvons penser que la loi à laquelle le noumène obéit sans efforts, lorsqu’elle apparaît à l’être empirique, soumis à la législation de la nature, entre en conflit avec les penchants de celle nature et prend alors la forme d’un commandement auquel nous’devons obéir, bien que nous soyons tentés de le transgresser. Mais quelle que soit son origine, il faut obéir à l’ordre que nous donne la raison et c’est en cela que consiste la bonne volonté.

Un ordre peut s’appeler un Impératif. Un impératif est catégorique quand il commande sans conditions, sans pourquoi ni j>arcc que. Par exemple : ne mens j>as, aide les malheureux. 11 est hypothétique au contraire quand ses prescriptions sont subordonLées à quelque condition, à quelque hypothèse. Si tu veux conserver ta réputation, être aimé, en un mot être heureux, ne mens pas, aide les malheureux. Or la loi morale ne peut être qu’un impératif sans conditions ; en effet, si l’on demande pourquoi il faut être sincère et charitable, il est impossible de répondre à celte queslion sans considérer les conséquences que la sincérité ou la fausseté, la charité ou l’égolsme peuvent entraîner dans le inonde sensible. L’impératif est dès lors subordonné à des conditions empiriques, et par conséquent au principe de l’amour de soi que Kant a rejeté. C’est donc VImpératif catégorique qui est l’expression vraie de la loi morale. La bonne volonté est par conséquent celle qui