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LA MORALE DE KANT


suprême de l’être et n’est-ce pas le but vers lequel toutes les tendances de notre nature nous inclinent ? La preuve en est que le bonheur est indissolublement lié à cet achèvement de notre personnalité. Les anciens d’ailleurs ne s’y sont guère trompés et leur morale n’a jamais cessé d’être une morale cudémonique. Il n’y a donc pas de différence radicale entre la morale de la perfection et la morale du bonheur. Ces deux morales sont également fondées sur le principe de l’amour de soi, et par là même, incapables de fournir à l’être raisonnable une loi pratique digne de lui.

Il reste bien un troisième système, auquel se sont ralliés un certain nombre de philosophes modernes, comme llutcheson, c’est celui qui consiste à admettre, à la place de la raison, un certain sens particulier qui déterminerait la loi morale et, pur le moyen duquel, la conscience de la vertu serait immédiatement liée au contentement et au plaisir ; celle du vice, au trouble de l’a nie et à la douleur. Mais ce n’est pas en réalité un système nouveau, apportant au problème moral une solution nouvelle, car il faut démontrer que ce sens moral est bon et, pour le démontrer, il faut évidemment partir d’un principe autre que le sens moral lui-même. Ce principe pourra être le principe de l’amour de soi ou encore celui de la perfection ; mais en aucun cas une morale du sentiment ne saurait se suffire à elle-même 1.

3° La morale du Devoir pur : l’Impératif catégorique. — Si la lin que doit poursuivre la volonté d’un être raisonnable ne peut être ni le bonheur ni la perfection, si ce n’est aucun objet capable d’éveiller en nous une inclination et de nous causer un plaisir, il ne reste plus qu’un parti à prendre pour découvrir la loi de cette volonté, c’est de la chercher, non plus dans le monde sensible, mais dans ce inonde intelligible auquel la Critique de la liaison pure a. montré que nous pouvions appartenir par le fond même de notre personnalité. Celle même faculté qui, dépassant les limites de l’entendement, essaye de s’élever à la connaissance du principe transcendant de l’intelligibilité de l’univers, la liaison, pourra aussi

1. Voir, pour toute celte critique.des systèmes, la Critique de ta liaison pratique, l’art. I, liv. I, ehap. 1, Barnl, p. 1S3 et suiv. Picavet, p. 5S el suiv.