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TROISIÈME SECTION


si le sujet qui se croit libre, se conçoit lui-même, quand il se déclare libre, dans le même sens et sous le même rapport que lorsqu’à l’égard de la même action, il se considère comme soumis à la loi de la nature. C’est donc un devoir, que la philosophie spéculative ne peut négliger, de montrer au moins que le principe de l’illusion qui nous fait voir là une contradiction, c’est que nous concevons l’homme d’une tout autre manière et à un tout autre point de vue, quand nous Je déclarons libre que lorsque nous le regardons comme formant une partie de la nature et obéissant à ses lois. Il faut établir que non seulement les deux choses peuvent aller ensemble, mais encore qu’elles doivent être conçues comme nécessairement unies dans le même sujet, parce qu’autrement on ne verrait pas pourquoi nous imposerions à la raison le fardeau d’une idée qui, bien que ne contredisant pas une attire idée suffisamment établie, nous embarrasse dans des difficultés qui gênent singulièrement la raison dans son usage théorique. Mais ce devoir incombe seulement à la philosophie spéculative, parce que c’est elle qui doit ouvrir la voie à la philosophie pratique 1. Par conséquent on ne peut pas laisser le philosophe décider arbitrairement s’il lèvera celte contradiction apparente ou s’il négligera de s’en occuper. Car dans ce dernier cas la théorie laisserait ici un bonum vacans où le fataliste pourrait s’installer de plein droit, en chassant la morale de son domaine prétendu, pour lequel elle ne pourrait montrer aucun litre de propriété.

Cependant on ne peut pas encore dire qu’ici se trouve la limite de la philosophie pratique*. Car il no. lui

1. Nous avons dit, dans l’Introduction, que dans la pensée de Kant la Critique de la liaison pure devait aplanir les difficultés morales et théologiques considérées

jusqu’à lui comme insolubles, par exemple l’antinomie de la causalité et de la liberté ou celle de la science cl de la foi. 2. Parce que c’est une question