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TROISIÈME SECTION


car l’indépendance à l’égard des causes déterminantes du monde sensible (indépendance que la raison doit toujours s’attribuer) est la liberté. Or, à l’idée de liberté se rattache d’une manière indissoluble l’idée d’autonomie et à cette dernière idée le principe général de la moralité, lequel est, au moins d’une manière idéale, le principe des actions de tous les êtres raisonnables, au même titre que les lois de la nature servent de principes à tous les phénomènes.

Ainsi disparaît le cercle vicieux 1[1] que nous soupçonnions tout à l’heure de se dissimuler dans le raisonnement par lequel nous passions de la liberté à l’autonomie et de l’autonomie à la loi morale. On pouvait nous accuser, en effet, de n’avoir proposé l’idée de la liberté qu’en vue de la loi morale, afin de conclure ensuite de la liberté à la loi, et de ne pouvoir, par suite, donner aucune raison de cette dernière loi. On pouvait dire que nous avions posé la liberté en principe comme une sorte de postulat que les âmes bien pensantes nous accorderaient volontiers, mais que nous ne pourrions jamais élever au rang de proposition démontrable. Mais nous voyons maintenant que, lorsque nous nous concevons comme libres, nous nous transformons en citoyens d’un monde intelligible où nous découvrons l’autonomie avec sa conséquence la moralité ; tandis que, lorsque nous nous regardons comme obligés par le devoir, nous nous considérons comme appartenant à la fois au monde sensible et au monde intelligible.

    et en même temps, car ces idées sont logiquement inséparables, de l’autonomie et de l’impératif moral.

  1. 1. Le cercle a disparu parce que la liberté n’est plus démontrée par l’autonomie, ni l’autonomie par la liberté. L’autonomie et la liberté se déduisent toutes les deux de l’idée de notre nature intelligible.