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FONDEMENTS DE LA MÉTAPHYSIQUE DES MŒURS.


être conçu comme un règne des fins, règne qui, d’après les principes posés, est possible*.

Car des êtres raisonnables sont toujours soumis à celle loi de ne jamais traiter ni leur personne ni celle « (’autrui comme de simples moyens, mais de les traiter en même temps comme des fins en soi. Mais ainsi se produit une liaison systématique des êtres raisonnables par des lois objectives communes, c’est-à-dire un règne, et comme ces lois ont précisément pour objet le rapport de ces êtres les uns à l’égard des autres comme fins-et moyens, on peut l’appeler règne des fins (règne qui à la vérité n’est qu’un idéal).

Un être raisonnable appartient au règne des fins comme membre, lorsque tout en y donnant des lois universelles, il est soumis pourtant lui-même à ces lois. Il y appartient comme chef* lorsque, donnant des lois, il n’est subordonné à aucune volonté étrangère.

L’être raisonnable doit toujours se considérer comme législateur dans un règne des fins rendu possible par la liberté de la volonté, qu’il y figure comme membre ou comme chef. Mais les maximes de sa volonté ne suffisent pas pour lui assigner ce dernier rang, il no peut le revendiquer que s’il est un être absolument indépendant, sans besoins, sans rien qui limite son pouvoir d’agir et l’empèchc d’être adéquat à sa volonté*.

La moralité consiste donc dans le rapport de tous nos actes à la législation qui seule rend possible un règne des fins. Cette législation doit se trouver dans

4. Le règne des fins de Kanl, c’est-à-dire le règne des volontés fins en soi, affranchies de la nature, rappelle la Cité de Dieu, dont parle Leibniz dans sa Monadologie (£. 81), et qui est l’assemblage de tous les esprits, c’està-dire des Monades capables de réfléchir et d’acquérir une valeur

morale. Kant fait allusion dans la Critique de la Raison pure (Méthodologie transcendantale) a ce royaume de la Grâce, opposé par Leibniz au royaume de la Nature.

2. Ulicd elOberhaupt.

3. Ainsi, en ce monde, nous ne pouvons nous considérer que comme membre » du règne des fins.