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DE LA MÉTAPHYSIQUE DES MŒURS

La nature raisonnable se distingue de toutes les autres en ce qu’elle se pose un but à elle-même. Ce but serait la matière de toute bonne volonté. Mais, comme dans l’idée d’une volonté bonne absolument, sans condition restrictive (indépendamment de cette condition qu’elle atteigne telle ou telle fin), il faut faire abstraction de toute fin à réaliser *[1] (puisque autrement la volonté ne serait plus bonne que relativement), la fin ne doit plus être ici considérée comme une chose à réaliser ; mais il la faut concevoir comme une fin existant par elle-même **[2], et, par conséquent, d’une manière toute négative, c’est-à-dire comme une fin contre laquelle on ne doit jamais agir, et que par tant il ne faut jamais traiter comme un moyen, mais toujours respecter comme une fin. Or cette fin ne peut être autre chose que le sujet même de toutes les fins possibles, puisque celui-ci est en même temps le sujet d’une volonté absolument bonne possible, et qu’une volonté absolument bonne ne peut être subordonnée sans contradiction à aucun autre objet. Ce principe : agis à l’égard de tout être raisonnable (de toi-même et des autres), de telle sorte que ta maxime le respecte toujours comme une fin en soi, est donc au fond identique avec celui-ci : agis d’après une maxime qui puisse être considérée comme une loi universelle pour tous les êtres raisonnables. En effet dire que, dans la poursuite de toute fin, je dois exclure de ma maxime l’emploi de tout moyen

  1. * zu bewiskanden.
  2. ** selbstamdiger Zweck.