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FONDEMENTS

J’entends par règne *[1] la liaison systématique de divers êtres raisonnables réunis par des lois communes. Or, comme des lois donnent aux fins une valeur universelle, si l’on fait abstraction de la différence personnelle des êtres raisonnables et de tout ce que contiennent leurs fins particulières, on pourra concevoir un ensemble systématique de toutes les fins (des êtres raisonnables considérés comme fins en soi, comme aussi des fins particulières que chacun peut se propose à lui-même), c’est-à-dire un règne des fins. Cela est conforme aux principes établis précédemment.

En effet tous les êtres raisonnables sont soumis à cette loi, de ne jamais se traiter, eux-mêmes ou les uns les autres, comme de simples moyens, mais de se toujours respecter comme des fins en soi. De là résulte une liaison systématique d’êtres raisonnables réunis par des lois objectives communes, c’est-à-dire un règne (qui n’est à la vérité qu’un idéal), qu’on peut appeler un règne des fins, puisque ces lois ont précisément pour but d’établir entre ces êtres un rapport réciproque de fins et moyens.

Un être raisonnable appartient comme membre au règne des fins, lorsque, tout en y donnant des lois universelles il est lui-même soumis à ces lois. Il y

  1. * Le mot règne, que j’emploie pour traduire le mot allemand Reich, ne va guère avec la définition que Kant donne de ce mot ; le mot royaume conviendrait mieux ici, mais comme l’autre mot m’a paru préférable pour la traduction de l’expression Reich des Zwecke, j’ai dû l’employer aussi dans cet endroit. J. B.