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DE LA MÉTAPHYSIQUE DES MŒURS


soi-même, il ne suffit pas que noire action ne soit pas en contradiction avec l’humanité dans notre personne, conçue comme fin en soi, il faut encore qu’elle s’accorde avec elle. Or il y a dans l’humanité des dispositions à une perfection plus grande, qui se rattachent au but de la nature à l’égard de l’humanité qui est en nous ; négliger ces dispositions n’est pas contraire sans doute à la conservation de l’humanité comme fin en soi, mais à l’accomplissement de cette fin.

4. Quant au devoir méritoire envers autrui, le même principe s’y applique également. Le but de la nature chez tous les hommes est leur bonheur personnel. Or l’humanité pourrait, il est vrai, subsister, alors même que personne ne contribuerait en rien au bonheur d’autrui, pourvu qu’on en s’abstint aussi d’y porter atteinte ; mais, si chacun ne contribuait, autant qu’il est en lui, à l’accomplissement des fins d’autrui, cette conduite ne pourrait s’accorder que négativement, et non positivement, avec l’idée de l’humanité comme fin en soi. Car si le sujet est fin en soi, il faut, pour que cette idée ait en moi tout son effet, que les fins de ce sujet soient aussi les miennes, autant que possible.

Ce principe qui nous fait concevoir l’humanité et en général toute nature raisonnable comme fin en soi (et qui limite à cette condition suprême la liberté d’ac-

    volontiers à la bienfaisance des autres, pour être dispensés à leur tour de leur en témoigner), ni enfin des devoirs stricts des hommes les uns envers les autres, car un criminel pourrait tirer un argument de ce principe contre le juge qui le punirait, etc.