Page:Kant-Critique de la raison pratique, trad. Barni, 1848.djvu/80

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
71
DE LA MÉTAPHYSIQUE DES MŒURS


se représente nécessairement ainsi sa propre existence, et, en ce sens, ce principe est pour lui un principe subjectif d’action. Mais tout autre être raisonnable se représente aussi son existence de la même manière que moi *[1], et, par conséquent, ce principe est en même temps un principe objectif, d’où l’on doit pouvoir déduire, comme d’un principe pratique suprême, toutes les lois de la volonté. L’impératif pratique se traduira donc ainsi : agis de telle sorte que tu traites toujours l’humanité, soit dans ta personne, soit dans la personne d’autrui, comme une fin, et que tu ne t’en serves jamais comme d’un moyen.

Appliquons cette nouvelle formule aux exemples déjà employés :

1. Quant au devoir nécessaire envers soi-même, que celui qui médite le suicide se demande si son action peut s’accorder avec l’idée de l’humanité, conçue comme fin en soi. En se détruisant lui-même, pour échapper à un état pénible, il use de sa personne comme d’un moyen destiné à entretenir en lui un état supportable jusqu’à la fin de la vie. Mais l’homme n’est pas une chose, c’est-à-dire un objet dont on puisse user simplement comme d’un moyen ; il faut toujours le considérer dans toutes ses actions comme une fin en soi. Je ne puis donc disposer en rien de l’homme en ma personne, le mutiler, le dégrader ou le tuer. (Pour éviter ici toute difficulté, je m’abstiendrai de poursuivre ce principe plus loin, par

  1. * Je n’avance ici celle proposition que comme postulat. On en trouvera les raisons dans la dernière section.