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DE LA MÉTAPHYSIQUE DES MŒURS


puissent vouloir qu’elles servent de lois universelles ? S’il y a une telle loi, elle doit être déjà liée (tout à fait a priori) au concept de la volonté d’un être raisonnable en général. Pour découvrir ce lien, il faut, bon gré mal gré, faire un pas dans la métaphysique, mais dans une partie de la métaphysique différente de la philosophie spéculative, c’est-à-dire dans la métaphysique des mœurs. Comme, dans cette philosophie pratique, il ne s’agit pas de poser les principes de ce qui est, mais les lois de ce qui doit être, quand même cela ne serait jamais, c’est-à-dire des lois objectivement pratiques, nous n’avons pas besoin de rechercher pourquoi ceci ou cela plaît ou déplaît, comment le plaisir que cause la pure sensation est distinct du goût, et si celui-ci est autre chose qu’une satisfaction universelle de la raison ; sur quoi repose le sentiment du plaisir et de la peine ; comment de ce sentiment naissent les désirs et les inclinations, et comment ces désirs et ces inclinations donnent lieu, avec le concours de la raison, à des maximes ; car tout cela rentre dans la psychologie empirique, dont on pourrait former la seconde partie de la physique *[1], en considérant celle-ci comme une philosophie de la nature, fondée sur des lois empiriques. Mais il s’agit ici d’une loi objectivement pratique, par conséquent du rapport de la volonté avec elle-même, en tant qu’elle se laisse déterminer uniquement par la raison ; tout ce

  1. * Le mot physique, dont je me sers pour traduire l’expression allemande Naturlehre, doit être entendu dans son sens étymologique, c’est à-dire dans son sens le plus large. J. B.