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DE LA MÉTAPHYSIQUE DES MŒURS


sitions particulières de la nature humaine, de certains sentiments et de certains penchants, et même, s’il est possible, d’une direction particulière qui serait propre à la raison humaine et n’aurait pas nécessairement la même valeur pour la volonté de tout être raisonnable, tout cela peut bien nous fournir une maxime, mais non pas une loi, un principe subjectif d’après lequel nous aurions du penchant et de l’inclination à agir d’une certaine manière, mais non pas un principe objectif d’après lequel nous serions tenus *[1] de faire une certaine action, alors même que nos penchants, nos inclinations et toutes les dispositions de notre nature s’y opposeraient. Telle est même la sublimité, la dignité du commandement contenu dans le devoir qu’elle paraît d’autant plus qu’il trouve moins d’auxiliaires dans les mobiles subjectifs ou qu’il y rencontre plus d’obstacles, car ces obstacles n’affaiblissent en rien la nécessité imposée par la loi et n’ôtent rien à sa valeur.

La philosophie se trouve ici dans cette position difficile, que, cherchant un point d’appui solide, elle ne peut le prendre ni dans le ciel ni sur la terre. Il faut qu’elle montre toute sa pureté en portant elle-même ses lois **[2], et non en se faisant le héraut de celles que suggère un sens naturel ou je ne sais quelle nature tutélaire. Celles-ci valent mieux que rien sans doute, mais elles ne sauraient remplacer ces principes que dicte la raison, et qui doivent avoir une origine tout à fait a priori, car c’est de là seulement qu’ils peuvent tenir

  1. * angewiesen.
  2. ** als Selbslhalkrin ihrer Geselze.