Page:Kant-Critique de la raison pratique, trad. Barni, 1848.djvu/69

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
60
FONDEMENTS


mais il sait aussi qu’il ne trouvera pas de prêteur, s’il ne s’engage formellement à payer dans un temps dé terminé. Il a envie de faire cette promesse ; mais il a encore assez de conscience pour se demander s’il n’est pas défendu et contraire au devoir de se tirer d’embarras par un tel moyen. Je suppose qu’il se décide néanmoins à prendre ce parti, la maxime de son action se traduirait ainsi : quand je crois avoir besoin d’argent, j’en emprunte en promettant de le rembourser, quoique je sache que je ne le rembourserai jamais. Or ce principe de l’amour de soi ou de l’utilité personnelle est peut-être conforme à l’intérêt ; mais la question ici est de savoir s’il est juste. Je convertis donc cette exigence de l’amour de soi en une loi universelle, et je me demande ce qui arriverait si ma maxime était une loi universelle. Je vois aussitôt qu’elle ne peut revêtir le caractère de loi universelle de la nature sans se contredire et se détruire elle-même. En effet admettre comme une loi universelle que chacun peut, quand il croit être dans le besoin, promettre ce qui lui plaît, avec l’intention de ne pas tenir sa promesse, ce serait rendre impossible toute promesse et le but qu’on peut se proposer par là, puisque personne n’ajouterait plus foi aux promesses, et qu’on en rirait comme de vaines protestations.

3. Un troisième se sent un talent qui, cultivé, pourrait faire de lui un homme utile à divers égards. Mais il se voit dans l’aisance, et il aime mieux s’abandonner aux plaisirs que travailler à développer les heureuses dispositions de sa nature. Cependant il se demande si