Page:Kant-Critique de la raison pratique, trad. Barni, 1848.djvu/44

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
35
DE LA MÉTAPHYSIQUE DES MŒURS


la nature humaine, assez noble pour placer dans une si haute idée la règle de sa conduite, mais aussi trop faible pour la suivre, et regrettaient amèrement qu’elle ne se servit de la raison, dont la destination est de lui donner des lois, qu’au profit de ses penchants, soit pour obtenir ainsi la satisfaction de quelqu’un d’eux en particulier, soit, tout au plus, pour les concilier tous entre eux le mieux possible.

Dans le fait il est absolument impossible de prouver par l’expérience, avec une entière certitude, l’existence d’un seul cas ou la maxime d’une action, d’ailleurs conforme au devoir, a reposé uniquement sur des principes moraux et sur la considération du devoir. A la vérité il arrive quelquefois que, malgré le plus scrupuleux examen de nous-mêmes, nous ne découvrons pas quel autre motif que le principe moral du devoir aurait pu être assez puissant pour nous porter à telle ou telle bonne action et à un si grand sacrifice mais nous ne pouvons en conclure avec certitude qu’en réalité quelque secret mouvement de l’amour de soi n’a pas été, sous la fausse apparence de cette idée, la véritable cause déterminante de notre volonté. Nous aimons à nous flatter en attribuant à nos motifs une noblesse qu’ils n’ont pas, et, d’un autre côté, il est impossible, même a l’examen le plus sévère, de pénétrer parfaitement les mobiles secrets de nos actions. Or, quand il s’agit de valeur morale, il n’est pas question des actions, qu’on voit, mais des principes intérieurs de ces actions, qu’on ne voit pas.

C’est pourquoi on ne peut rendre un plus grand