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MÉTHODOLOGIE DE LA R. PURE PRATIQUE.


teté de cette loi (on appelle ordinairement les devoirs de ce genre des devoirs envers Dieu, parce que nous plaçons en lui la substance même de l’idéal de la sainteté), nous accordons la plus profonde estime à celui qui accomplit ce devoir au prix de tout ce qui peut avoir quelque valeur au regard de nos penchants, et nous trouvons notre âme fortifiée et élevée par cet exemple, car nous voyons par là combien l’âme humaine est capable de s’élever au-dessus de tous les mobiles que lui peut opposer la nature. Juvénal propose un exemple de ce genre suivant une gradation bien propre à faire vivement sentir au lecteur la puissance du mobile, qui consiste dans la pure loi du devoir, en tant que devoir :

Este bonus miles, tutor bonus, arbiter idem
Integer ; ambiguae si quando citabere testis
Incertaeque rei, phalaris licet Imperet, ut sis
Falsus, et admoto dictet perjuris tauro,
Summum crede nefas animam praeferre pudori,
Et propter vitam vivendi perdere causas.

Introduire dans notre action ce que l’idée de mérite a de flatteur, c’est déjà mêler au mobile moral l’amour de soi, et lui chercher un appui du côté de la sensibilité. Mais tout subordonner à la sainteté du devoir, et avoir conscience que nous le pouvons, puisque notre propre raison nous en fait un ordre et nous dit que nous le devons, c’est comme s’élever absolument au-dessus du monde sensible même. Dans cette même conscience de la loi réside inséparablement le mobile d’une faculté qui domine la sensibilité, et, s’il n’a pas


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