Page:Kant-Critique de la raison pratique, trad. Barni, 1848.djvu/393

Cette page a été validée par deux contributeurs.
384
CRITIQUE DE LA RAISON PRATIQUE.


souvent au contraire à faire le difficile sacrifice de ces penchants, et à nous élever à une hauteur où nous ne pouvons nous soutenir qu’avec peine et d’où nous devons constamment craindre de retomber. En un mot, la loi morale exige qu’on la pratique par devoir et non par amour, sentiment qu’on ne peut pas et qu’on ne doit pas supposer.

Voyons sur un exemple si, en présentant une action comme noble et magnanime, on donne au mobile une plus grande force d’impulsion intérieure que si on la présente simplement comme un devoir accompli en vue de la sévère loi de la moralité. L’action par laquelle un homme brave les plus grands dangers pour sauver des naufragés, et qui finit par lui coûter la vie, peut être d’un côté rapportée au devoir, et d’un autre côté considérée en grande partie comme une action méritoire, mais notre estime pour cette action est beaucoup affaiblie par le concept du devoir envers soi-même, qui semble ici recevoir quelque atteinte. Le sacrifice magnanime de sa vie pour le salut de la patrie est un exemple encore plus frappant, mais on peut avoir quelque scrupule sur la question de savoir si c’est un devoir parfait de se dévouer de soi-même et sans ordre à ce but, et cette action n’a pas encore par elle-même toute la force nécessaire pour pouvoir nous servir de modèle et stimuler notre activité. Mais s’agit-il d’un devoir de rigueur, d’un devoir dont la transgression est une violation de la loi morale, considérée en elle-même et indépendamment de toute considération intéressée, une atteinte portée à la sain-