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DU CONCEPT DU SOUVERAIN BIEN.


que le concept du souverain bien exige qu’on admette, et l’on verra qu’il ne peut nous être ordonné d’admettre cette possibilité, et qu’il ne peut y avoir là aucune intention pratique exigée, mais que la raison spéculative doit l’accorder sans requête ; car personne ne peut soutenir qu’il est impossible en soi que les êtres raisonnables dans le monde jouissent de la somme de bonheur dont ils se rendent dignes par la conformité de leur conduite à la loi morale. Or quant au premier élément du souverain bien, c’est à dire quant à la moralité, la loi morale nous donne simplement un ordre, et douter de la possibilité de cet élément serait la même chose que douter de la loi morale elle-même. Mais quant au second élément, c’est-à-dire quant à l’harmonie parfaite du bonheur et de la moralité, il est vrai qu’il n’y a pas besoin d’un ordre pour en admettre la possibilité en général, car la raison théorique elle-même n’a rien à y objecter, mais la manière dont nous devons concevoir cette harmonie des lois de la nature avec celles de la liberté a quelque chose qui tient d’un choix, puisque la raison théorique ne décide rien à cet égard avec une certitude apodictique, et qu’il peut y avoir un intérêt moral qui la détermine en ce sens.

J’ai dit plus haut que, si l’on s’en tient au cours de la nature, on ne peut attendre et regarder comme possible la parfaite harmonie du bonheur et de la moralité, et que, par conséquent, on ne peut admettre de ce côté la possibilité du souverain bien, qu’en supposant une cause morale du monde. Je me suis abstenu à