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CRITIQUE DE LA RAISON PRATIQUE.


jet de la raison pratique, je trouve que le principe moral ne m’en laisse admettre d’autre que celui d’un auteur du monde doué d’une souveraine perfection. Il doit être omniscient, afin de pénétrer jusqu’à mes plus secrètes intentions dans tous les cas possibles et dans tous les temps ; omnipotent, afin de départir à ma conduite les suites qu’elle mérite, et de même omniprésent, éternel, etc. C’est ainsi que la loi morale, par le concept du souverain bien, comme objet d’une raison pure pratique, détermine le concept de l’être premier, en tant que souverain être, ce qu’on ne pouvait faire avec la méthode physique, et, en remontant plus haut, avec la méthode métaphysique, c’est-à-dire avec toute la raison spéculative. Le concept de Dieu n’appartient donc pas originairement à la physique, c’est-à-dire à la raison spéculative, mais à la morale, et l’on en peut dire autant des autres concepts rationnels, dont nous avons parlé précédemment, comme de postulats de la raison pure pratique.

Si dans l’histoire de la philosophie grecque, Anaxagore excepté, on ne trouve aucune trace manifeste d’une théologie rationnelle pure, il ne faut pas croire que les anciens philosophes aient manqué d’intelligence et de pénétration pour s’élever jusque-là par le chemin de la spéculation, du moins au moyen d’une hypothèse entièrement raisonnable : quoi de plus facile, de plus naturel que cette pensée, qui se présente d’elle-même à chacun, d’admettre, au lieu de diverses causes du monde, ayant une perfection indéterminée, une cause unique et raisonnable, ayant toute