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DU CONCEPT DU SOUVERAIN BIEN.

près laquelle elles peuvent espérer de participer au bonheur, par la main d’un sage auteur du monde. En effet, comme la sagesse signifie, sous le rapport théorique, la connaissance du souverain bien, et, sous le rapport pratique, la conformité de la volonté au souverain bien, on ne peut pas attribuer à un être souverainement sage un but qui serait fondé uniquement sur la bonté. On ne peut concevoir l’action de cet être (relativement au bonheur des êtres raisonnables) que sous cette condition qu’elle s’accorde avec la sainteté[1] de sa volonté, comme avec le souverain bien en soi. C’est pourquoi ceux qui placent le but de la création dans la gloire de Dieu (je suppose qu’ils ne l’entendent pas dans un sens anthropomorphique, dans le sens d’amour de la louange) ont trouvé l’expression la plus convenable. Il n’y a rien en effet qui soit plus à la gloire de Dieu que la chose la plus précieuse du monde, le respect de ses com-

  1. Je ferai encore remarquer ici, pour bien mettre en lumière la nature propre de ces concepts, que, tandis qu’on attribue à Dieu diverses qualités qu’on trouve aussi dans les créatures, appropriées à leur condition et que l’on conçoit en Dieu élevées au plus haut degré, par exemple, la puissance, la science, la présence, la bonté, etc., qui deviennent alors l’omnipotence, l’omniscience, l’omniprésence, la toute-bonté, etc., il y en a trois qui lui sont attribuées exclusivement et sans désignation de quantité, et qui toutes sont morales. Il est le seul saint, le seul bienheureux (Der allein Selige.), le seul sage, car ces concepts impliquent déjà l’infinitude ('Unendlichkeit.). Suivant l’ordre de ces attributs, Dieu est donc aussi le saint législateur (et créateur), le bon maître (der gute meister.) (et conservateur), et le juge équitable. Trois attributs par lesquels Dieu est l’objet de la religion, et auxquels les perfections métaphysiques, qu’ils supposent, s’ajoutent d’elles-mêmes dans la raison.