Page:Kant-Critique de la raison pratique, trad. Barni, 1848.djvu/35

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
26
FONDEMENTS


et placer dans cette représentation, et non plus dans l’effet attendu, le principe déterminant de la volonté, voilà ce qui seul peut constituer ce bien si éinent, que nous appelons le bien moral, ce bien qui réside déjà dans la personne même, agissant d’après cette représentation, et qu’il ne faut pas attendre de l’effet produit par son action 1[1].

Mais quelle peut être enfin cette loi dont la représentation doit déterminer la volonté par elle seule et indépendamment de la considération de l’effet attendu,

  1. 1 On m’objectera peut être qu’en employant le mot respect je me retranche derrière un sentiment vague, au lieu de résoudre clairement la question par un concept de la raison. Mais, quoique le respect soit un sentiment, ce n’est point un de ces sentiments que nous recevons par l’influence : il est spontanément produit * (* selbstgewirkten Gefühl) par un concept rationnel, et il se distingue aussi spécifiquement de tous les sentiments de la première espèce, qui se rapportent à l’inclination ou à la crainte. Ce que je considère immédiatement comme une loi pour moi, je le considère avec respect, et ce sentiment ne signifie autre chose sinon que ma volonté a conscience d’être soumise à cette loi, indépendamment de toute autre influence sur ma sensibilité. La détermination de la volonté, immédiatement produite par la loi, et la conscience de cette détermination immédiate, c’est ce que j’appelle le respect, en sorte que le respect doit être considéré comme l’effet de la loi sur le sujet, et non comme la cause de cette loi. Le respect, à proprement parler, naît de l’idée d’une chose dont la valeur porte préjudice à l’amour de soi. Cette chose ne peut donc être ni un objet d’inclination ni un objet de crainte, quoique le sentiment qu’elle inspire ait quoique analogie avec ces deux sentiments. L’objet du respect n’est donc autre que la loi. Je parle d’une loi que nous nous imposons à nous-mêmes et que nous reconnaissons pourtant comme nécessaire en soi. En tant que nous la reconnaissons comme une loi nous devons nous y soumettre sans consulter l’amour de soi ; en tant que nous nous l’imposons à nous-mêmes, elle est un effet de notre volonté. Sous le premier rapport, le sentiment qu’elle excite en nous a quelque