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DU CONCEPT DU SOUVERAIN BIEN.


l’existence de Dieu comme le fondement de toute obligation en général (car ce fondement n’est autre, comme nous l’avons suffisamment montré, que l’autonomie de la raison même). La seule chose ici qui soit un devoir, c’est de travailler à la réalisation du souverain bien dans le monde, dont, par conséquent, la possibilité peut être postulée ; mais, comme notre raison ne peut concevoir cette possibilité qu’en supposant une suprême intelligence, admettre l’existence de cette suprême intelligence est donc chose liée à la conscience de notre devoir. À la vérité ce fait même, d’admettre l’existence d’une intelligence suprême, est du ressort de la raison théorique, et, considéré comme un principe d’explication pour elle seule, il n’est qu’une hypothèse ; mais, relativement à la possibilité de concevoir *[1] un objet proposé par la loi morale (le souverain bien), et, par conséquent, un besoin au point de vue pratique, il est un acte de foi **[2], mais de foi purement rationnelle, puisque la raison pure (considérée dans son usage théorique aussi bien que pratique) est l’unique source d’où il dérive.

On peut comprendre maintenant par cette déduction pourquoi les écoles grecques ne purent jamais arriver à la solution de leur problème de la possibilité pratique du souverain bien ; c’est qu’elles considéraient toujours la règle de l’usage que la volonté de l’homme

  1. * Verständlichkeit. Proprement intelligibilité.
  2. ** Glaube. Voyez la critique de la Raison pure, Méthodologie, et la critique du Jugement, §§ 89 et 90, traduct. franç., vol. II, p. 188 et suivantes. J. B.