Page:Kant-Critique de la raison pratique, trad. Barni, 1848.djvu/340

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
331
DU CONCEPT DU SOUVERAIN BIEN.


que peut durer son existence, même au delà de cette vie, ce progrès par où elle s’est élevée jusqu’alors dans la moralité des degrés inférieurs à des degrés supérieurs, et où elle a puisé la conscience d’une intention éprouvée et d’une résolution immuable *[1] ; et, par conséquent, elle ne peut espérer d’être jamais, ici bas ou dans quelque point de son existence à venir, parfaitement adéquate à la volonté de Dieu (qui commande sans indulgence et sans rémission, car autrement que deviendrait la justice ?) mais elle peut espérer de l’être dans l’infinité de sa durée (que Dieu seul peut embrasser).

  1. * La conviction de l’immutabilité de la résolution dans le progrès vers le bien semble pourtant chose impossible en soi à une créature. Aussi la doctrine chrétienne la fait-elle dériver uniquement du même esprit, qui opère la sanctification, par où elle entend justement cette ferme résolution et avec elle la conscience de la persévérance dans le progrès moral. Mais d’une manière naturelle aussi celui qui a conscience d’avoir été une grande partie de sa vie jusqu’à la fin en progrès vers le bien, sans y être poussé par d’autres mobiles que par des principes purement moraux, celui-là peut avoir la consolante espérance, sinon la certitude, de rester fermement attaché à ces principes, même dans une existence prolongée au delà de cette vie ; et, quoique ici bas il ne soit jamais entièrement juste à ses propres yeux, et qu’il ne puisse espérer de le devenir jamais, si loin qu’il espère pousser dans l’avenir le perfectionnement de sa nature et l’accomplissement de ses devoirs, cependant, dans ce progrès, qui, pour tendre à un but reculé jusque dans l’infini, n’en a pas moins pour Dieu la valeur d’une possession, il peut trouver la perspective d’un avenir de béatitude, car c’est l’expression dont la raison se sert pour désigner un bonheur * (* Wohl.) parfait, indépendant de toutes les causes contingentes du monde, lequel, comme la sainteté, est une idée qui suppose un progrès indéfini et la totalité de ce progrès, et, par conséquent, ne peut jamais être entièrement réalisée par une créature.