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CRITIQUE DE LA RAISON PRATIQUE.


d’un contentement inaltérable qui y est nécessairement lié, et qui ne repose sur aucun sentiment particulier. Ce contentement peut être appelé intellectuel. Le contentement esthétique (expression impropre), celui qui repose sur la satisfaction des penchants, si délicats qu’on les imagine, ne peut jamais être adéquat à ce que l’on en conçoit. En effet les inclinations changent, ou croissent en raison même de la faveur qu’on leur accorde, et laissent toujours après elles un vide plus grand que celui qu’on avait voulu combler. C’est pourquoi elles sont toujours à charge à un être raisonnable, et, quoiqu’il ne puisse en secouer le joug, elles le forcent à souhaiter d’en être délivré. Un penchant même à quelque chose de conforme au devoir (par exemple à la bienfaisance) peut sans doute concourir à l’efficacité des maximes morales, mais elle n’en peut produire aucune. En effet, pour que l’action ait un caractère moral, et non pas seulement un caractère légal, il faut que tout repose sur la représentation de la loi comme principe de détermination. Les penchants, bienveillants ou non, sont aveugles et serviles, et la raison, quand il s’agit de moralité, ne doit pas se borner à jouer le rôle de tuteur, mais elle doit, sans s’occuper des penchants, songer uniquement à son propre intérêt, comme raison pure pratique. Ce sentiment même de compassion et de tendre sympathie, quand il précède la considération du devoir et qu’il sert de principe de détermination, est à charge aux personnes bien intentionnées ; il porte le trouble dans leurs calmes maximes, et leur fait sou-