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CRITIQUE DE LA RAISON PRATIQUE.


rationnel), c’est-à-dire si nous avions une intuition intellectuelle du même sujet, nous verrions que toute cette chaîne de phénomènes, en tout ce qui se rapporte à la loi morale, dépend de la spontanéité du sujet, comme chose en soi, dont on ne peut expliquer physiquement les déterminations. À défaut de cette intuition, la loi morale nous certifie cette distinction du rapport de nos actions, comme phénomènes, à la nature sensible de notre sujet, et de celui de cette nature sensible même au substratum intelligible qui est en nous. — Par ce dernier rapport, qui est familier à notre raison, bien qu’il soit inexplicable, on peut justifier aussi certains jugements que nous portons en toute conscience, mais qui au premier aspect paraissent contraires à la justice. On voit quelquefois des hommes, ayant reçu la même éducation que d’autres à qui elle a été salutaire, montrer dès leur enfance une méchanceté si précoce, et y faire tant de progrès dans leur âge mûr, qu’on dit d’eux qu’ils sont nés scélérats et qu’on les regarde comme tout à fait incorrigibles ; et pourtant on ne laisse pas de les juger pour ce qu’ils font ou ne font pas, et de leur reprocher leurs crimes comme des fautes volontaires ; et eux-mêmes (les enfants) trouvent ces reproches fondés, absolument comme si, malgré cette nature désespérée qu’on leur attribue, ils n’étaient pas moins responsables que les autres hommes. Cela ne pourrait être si nous ne supposions pas que tout ce qui est un effet de la volonté de l’homme (comme sont certainement toutes les actions faites avec intention) a pour principe une