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CRITIQUE DE LA RAISON PRATIQUE.

Les sentences de cette faculté merveilleuse, qu’on appelle la conscience, s’accordent parfaitement avec ce qui précède. Un homme a beau chercher à se justifier, en se représentant une action illégitime, qu’il se rappelle avoir commise, comme une faute involontaire, comme une de ces négligences qu’il est impossible d’éviter entièrement, c’est-à-dire comme une chose où il a été entraîné par le torrent de la nécessité physique, il trouve toujours que l’avocat qui parle en sa faveur ne peut réduire au silence la voix intérieure qui l’accuse, s’il a conscience d’avoir été dans son bon sens, c’est-à-dire d’avoir eu l’usage de sa liberté au moment où il a commis cette action ; et, quoiqu’il s’explique sa faute par une mauvaise habitude, qu’il a insensiblement contractée en négligeant de veiller sur lui-même, et qui en est venue à ce point que cette faute en peut être considérée comme la conséquence naturelle, il ne peut pourtant se défendre des reproches qu’il s’adresse à lui-même. C’est aussi là le fondement du repentir, que le souvenir d’une action passée depuis longtemps ne manque jamais d’exciter en nous. Autrement que signifierait ce sentiment douloureux, produit par le sentiment moral, et qui est pratiquement vide, en ce sens qu’il ne peut servir à empêcher ce qui a été fait de l’avoir été ? Il serait même absurde (comme l’a reconnu Priestley, en véritable et conséquent fataliste, et cette franchise est mille fois préférable à l’hypocrisie de ceux qui, admettant en fait le mécanisme de la volonté, et ne gardant de la liberté que le nom, veulent encore paraître la