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CRITIQUE DE LA RAISON PRATIQUE.


en soi. Or, si l’on prend les déterminations de l’existence des choses dans le temps pour des déterminations des choses en soi (comme c’est l’ordinaire), la nécessité du rapport de causalité ne peut plus s’accorder en aucune manière avec la liberté ; mais ces deux choses sont contradictoires. En effet il suit de la première que tout événement, par conséquent aussi, toute action, qui arrive dans un point du temps, dépend nécessairement de ce qui était dans le temps précédent. Or, comme le temps passé n’est plus en mon pouvoir, toute action que j’accomplis, d’après des causes déterminantes qui ne sont pas en mon pouvoir, doit être nécessaire, c’est-à-dire que je ne suis jamais libre dans le point du temps où j’agis. J’aurais même beau considérer toute mon existence comme indépendante de toute cause étrangère (par exemple, de Dieu), de telle sorte que les principes qui détermineraient ma causalité, et même toute mon existence, ne seraient pas hors de moi : cela ne changerait pas le moins du monde cette nécessité physique en liberté. Car je n’en suis pas moins soumis à chaque point du temps à la nécessité d’être déterminé à l’action par quelque chose qui n’est pas en mon pouvoir, et la série infinie a parte priori des événements que je ne ferais que continuer, suivant un ordre déjà prédéterminé, sans pouvoir la commencer par moi-même, formerait une chaîne physique continue où il n’y aurait point de place pour la liberté.

Si donc on veut attribuer la liberté à un être dont l’existence est déterminée dans le temps, on ne peut pas