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CRITIQUE DE LA RAISON PRATIQUE.


ressent pour des inclinations, de quelque espèce qu’elles soient, mais qu’on n’éprouve que pour la loi ; et elle en ressort d’une manière si claire et si frappante, qu’il n’y a pas d’homme, si peu cultivée que soit son intelligence, qui ne puisse comprendre, à l’aide d’un exemple, qu’on peut bien, en présentant à sa volonté des principes empiriques, l’engager à les suivre par l’attrait qu’ils lui offrent, mais qu’on ne peut exiger de lui qu’il obéisse à une autre loi qu’à la loi de la raison pure pratique.

Dans l’analytique de la raison pure pratique, le premier et le plus important devoir de la critique est de bien distinguer la doctrine du bonheur et la doctrine morale, la première, qui n’a pour fondement que des principes empiriques, et la seconde, qui en est entièrement indépendante, et elle doit y apporter autant de soin *[1], et même, pour ainsi dire, de peine **[2], que le géomètre dans son œuvre. Mais si le philosophe rencontre ici (comme il arrive toujours dans la connaissance rationnelle que nous devons à de simples concepts sans construction) de grandes difficultés, parce qu’il ne peut prendre pour fondement (d’un pur noumène) aucune intuition, il a aussi l’avantage de pouvoir, comme le chimiste en quelque sorte, expérimenter en tout temps sur la raison pratique de tout homme, pour distinguer le principe moral (pur) de détermination du principe empirique, en ajoutant la loi morale comme principe de détermination à une volonté soumise à des affections empiriques (par exemple, à la volonté

  1. * pünetlich.
  2. ** peinlich.