Page:Kant-Critique de la raison pratique, trad. Barni, 1848.djvu/262

Cette page a été validée par deux contributeurs.
253
DES MOBILES DE LA RAISON PURE PRATIQUE


clination, et même de l’amour, quand ce sont des animaux (par exemple des chevaux, des chiens, etc.), ou de la crainte, comme la mer, un volcan, une bête féroce, mais jamais de respect. Ce qui ressemble le plus à ce sentiment, c’est l’admiration, et celle-ci, comme affection, est un étonnement que les choses peuvent aussi produire, par exemple les montagnes qui s’élèvent jusqu’au ciel, la grandeur, la multitude et l’éloignement des corps célestes, la force et l’agilité de certains animaux, etc. Mais tout cela n’est point du respect. Un homme peut aussi être un objet d’amour, de crainte, ou d’admiration, et même d’étonnement, sans être pour cela un objet de respect. Son enjouement, son courage et sa force, la puissance qu’il doit au rang qu’il occupe parmi les autres, peuvent m’inspirer ces sentiments, sans que j’éprouve intérieurement de respect pour sa personne. Je m’incline devant un grand disait Fontenelle, mais mon esprit ne s’incline pas. Et moi j’ajouterai : devant l’humble bourgeois, en qui je vois l’honnêteté du caractère portée à un degré que je ne trouve pas en moi-même, mon esprit s’incline, que je le veuille ou non, et si haute que je porte la tête pour lui faire remarquer la supériorité de mon rang. Pourquoi cela ? C’est que son exemple me rappelle une loi qui confond ma présomption, quand je la compare à ma conduite, et dont je ne puis regarder la pratique comme impossible, puisque j’en ai sous les yeux un exemple vivant. Que si j’ai conscience d’être honnête au même degré, le respect subsiste encore. En effet, comme tout ce qui est bon dans l’homme est