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DU CONCEPT D’UN OBJET DE LA R. PURE PRATIQUE.


arrive doit reconnaître dans sa raison qu’il l’a mérité, car il voit ici réalisée la proportion que sa raison lui fait nécessairement concevoir entre le bien-être et la bonne conduite.

La considération de notre bien et de notre mal *[1] a sans doute une très-grande part dans les jugements de notre raison pratique, et, dans notre nature sensible, tout se rapporte à notre bonheur, lorsque nous en jugeons, comme la raison l’exige particulièrement, non pas d’après la sensation du moment, mais d’après l’influence que chacune de ces sensations fugitives peut avoir sur notre existence tout entière et sur tout le contentement que nous y pouvons trouver ; mais tout en général ne se rapporte pas à ce but. L’homme est un être qui a des besoins, en tant qu’il appartient au monde sensible, et, sous ce rapport, sa raison a certainement une charge à laquelle elle ne peut se refuser, celle de veiller aux intérêts de la sensibilité et de se faire des maximes pratiques en vue du bonheur de cette vie, et même, s’il est possible, d’une vie future. Mais il n’est pourtant pas assez animal pour rester indifférent à tout ce que la raison recommande par elle-même et pour ne se servir de celle-ci que comme d’un instrument propre à satisfaire les besoins qu’il éprouve comme être sensible. En effet le privilège de la raison ne lui donnerait pas une valeur supérieure à celle des animaux, si cette raison n’existait en lui que pour remplir l’office que remplit l’instinct chez l’animal ; elle ne serait plus alors qu’une manière particulière dont la nature se

  1. * Wolh et Weh.