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CRITIQUE DE LA RAISON PRATIQUE.


que chose de mauvais en soi *[1]. En effet la douleur ne diminuait pas le moins du monde la valeur de sa personne, elle ne diminuait que son bien-être. Un seul mensonge, qu’il aurait eu à se reprocher, eut suffi pour abattre sa fierté ; mais la douleur n’était pour lui qu’une occasion de la faire paraître, puisqu’il avait conscience de ne s’être rendu coupable d’aucune action injuste, et, par conséquent, de n’avoir mérité aucun châtiment.

Ce que désignent les mots gut et böse, c’est ce qui, au jugement de tout homme raisonnable, doit être un objet de désir ou d’aversion, et, par conséquent, suppose, outre la sensibilité, la raison qui porte ce jugement. Ainsi la véracité et son contraire, le mensonge, la justice et son contraire, la violence, etc. Mais une chose peut être considérée comme mauvaise dans le sens du mot Übel, qui, dans le sens du mot gut, doit être en même temps tenue pour bonne par chacun, quelquefois médiatement, quelquefois immédiatement. Celui qui se soumet à une opération chirurgicale la ressent assurément comme un mal dans le premier sens, mais par la raison il reconnaît et chacun reconnaît avec lui qu’elle est un bien dans le second. Si un homme qui se plait à tourmenter et à vexer les gens paisibles finit par recevoir un jour une bonne volée de coups de bâton, c’est sans doute un mal dans le premier sens, mais chacun en est satisfait et regarde cela comme une bonne chose dans l’autre sens, quand même il n’en résulterait rien de plus ; et celui même à qui cela

  1. * Ein Böses.