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DU CONCEPT D'UN OBJET DE LA R. PURE PRATIQUE.


rons ou repoussons un objet à cause de ce bien ou de ce mal, ce n’est qu’autant que nous le rapportons à notre sensibilité et au sentiment de plaisir et de peine qu’il produit. Mais le bien et le mal désignés par les mots Gute et Böse indiquent toujours un rapport de quelque chose à la volonté, en tant que celle-ci est déterminée par la loi de la raison à s’en faire un objet ; et, ainsi considérée, la volonté n’est jamais immédiatement déterminée par l’objet et par la représentation de l’objet, mais elle est la faculté de prendre une règle de la raison pour cause déterminante d’une action (par laquelle un objet peut être réalisé). Ce bien et ce mal se rapportent donc proprement aux actions, et non à la manière de sentir de la personne, et, s’il y a quelque chose qui soit bon ou mauvais absolument (sous tous les rapports et sans aucune autre condition), ou qui doive être tenu pour tel, ce ne peut être que la manière d’agir, la maxime de la volonté, et, par conséquent, la personne même qui agit, en tant que bon ou méchant homme, car ce ne peut être une chose.

On pouvait bien rire du stoïcien qui s’écriait, au milieu des plus vives souffrances de la goutte : douleur, tu as beau me tourmenter, je n’avouerai jamais que tu sois un mal *[1] (κάκον, malum) ! Il avait raison. Ce qu’il ressentait était un mal physique **[2], et ses cris l’attestaient, mais pourquoi eut-il accordé que c’était quel-

  1. * Etwas Böses.
  2. ** übel. Ce passage ne peut être traduit dans la langue française, par la raison que j’ai déjà indiquée. La nécessité de reproduire le même mot pour exprimer les idées différentes que Kant a l’avantage de désigner par des expressions différentes, en dénature le caractère et presque le sens. J. B.
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