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DES PRINCIPES DE LA RAISON PURE PRATIQUE.


autre chose que le principe du bonheur personnel. Car, pour pouvoir se dire à soi-même : je suis un misérable, quoique j’aie rempli ma bourse, il faut un autre critérium que pour se féliciter soi-même et se dire : je suis un homme prudent, car j’ai enrichi ma caisse.

Enfin il y a encore quelque chose dans l’idée de notre raison pratique qui accompagne la transgression d’une loi morale, c’est le démérite *[1]. Or le concept de la jouissance du bonheur **[2] ne s’accorde guère avec celui d’une punition comme punition. En effet, quoique celui qui punit puisse avoir la bonne intention de diriger la punition même vers ce but, il faut d’abord que cette punition comme telle, c’est-à-dire comme un mal, soit juste par elle-même, c’est-à-dire il faut que celui qu’on punit, en restant sous le coup de la punition, et alors même qu’il n’espérerait aucune grâce, puisse avouer qu’il l’a méritée et que son sort est parfaitement approprié à sa conduite. La justice est donc la première condition de toute punition, comme telle, et l’essence même de ce conçut. La bonté peut s’y joindre sans doute, mais celui qui, par sa conduite, mérite d’être puni n’a pas le moindre droit d’y compter. Ainsi la punition est un mal physique qui, quand même il ne serait pas lié comme conséquence naturelle avec le mal moral, devrait en être considéré encore comme une conséquence suivant les principes de la législation morale. Or, si tout crime, indépendamment même des conséquences physiques qu’il peut avoir pour l’agent, est punissable en soi, c’est-à-dire s’il encourt la perte du bonheur (du

  1. * Straficürdigkeit.
  2. ** das Theilhafügirerden der Glückseligkeit.