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DES PRINCIPES DE LA RAISON PURE PRATIQUE.


comme nous avons conscience de principes théoriques purs, en remarquant la nécessité avec laquelle la raison nous les impose, et en faisant abstraction de toutes les conditions empiriques auxquelles elle nous renvoie. Le concept d’une volonté pure sort des premiers, comme la conscience d’un entendement pur sort des seconds. Que ce soit là l’ordre véritable de nos concepts, que ce soit la moralité qui nous découvre le concept de la liberté, et, par conséquent, que ce soit la raison pratique qui, par ce concept, propose à la raison spéculative le problème le plus insoluble pour elle et le plus propre à l’embarrasser, c’est ce qui résulte clairement de cette considération : puisque, avec le concept de la liberté, on ne peut rien expliquer dans le monde des phénomènes, mais qu’ici le mécanisme de la nature doit toujours servir de guide, et qu’en outre, lorsque la raison pure veut s’élever à l’inconditionnel dans la série des causes, elle tombe dans une antinomie où, d’un côté comme de l’autre, elle se perd dans l’incompréhensible, tandis que le mécanisme est du moins utile dans l’explication des phénomènes, personne ne se serait jamais avisé d’introduire la liberté dans la science, à la loi morale, et avec elle la raison pratique, n’était intervenue et ne nous avait imposé ce concept. L’expérience confirme aussi cet ordre de nos concepts. Supposez que quelqu’un prétende ne pouvoir résister à sa passion, lorsque l’objet aimé et l’occasion se présentent ; est-ce que, si l’on avait dressé un gibet devant la maison où il trouve cette occasion, pour l’y attacher immédiatement après