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CRITIQUE DE LA RAISON PRATIQUE.


doit travailler et économiser pendant sa jeunesse, afin de mettre sa vieillesse à l’abri du besoin ; c’est là, pour la volonté, un précepte pratique juste à la fois et important. Mais il est aisé de voir que la volonté est ici renvoyée à quelque autre chose, qu’elle est supposée désirer, et ce désir, il faut le laisser à la discrétion de l’agent, soit qu’il prévoie d’autres ressources que celles qu’il peut acquérir par lui-même, soit qu’il n’espère pas devenir vieux, ou qu’il s’imagine qu’en cas de besoin il saura se contenter de peu. La raison, qui seule peut fournir des règles renfermant quelque nécessité, donne aussi de la nécessité à ce précepte (car autrement ce ne serait pas un impératif), mais cette nécessité est elle-même soumise à des conditions subjectives, et on ne peut la supposer au même degré dans tous les sujets. Au contraire c’est le propre de sa législation de ne supposer qu’elle-même, car la règle n’est objective et n’a une valeur universelle, que quand elle est indépendante de toutes les conditions accidentelles et subjectives, qui distinguent un être raisonnable d’un autre. Dites à quelqu’un qu’il ne doit jamais faire de fausse promesse : c’est là une règle qui ne concerne que sa volonté, qu’elle soit ou non capable d’atteindre les buts que l’homme peut se proposer ; le simple vouloir, voilà ce qui doit être déterminé tout à fait à priori par cette règle. S’il arrive que cette règle soit pratiquement juste, c’est une loi, car c’est un impératif catégorique. Ainsi les lois pratiques se rapportent uniquement à la volonté, indépendamment de ce que produit sa causalité, et il faut faire abstraction de cette causalité (en