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DE LA MÉTAPHYSIQUE DES MŒURS


pas un concept d’expérience, et ne peut pas l’être, puisque ce concept persiste toujours, alors même que l’expérience nous montre le contraire de ce que nous nous représentons comme nécessaire sous la supposition de la liberté. D’un autre côté, il est également nécessaire que tout ce qui arrive soit invariablement déterminé d’après des lois de la nature, et cette nécessité physique n’est pas non plus un concept d’expérience, précisément à cause de son caractère de nécessité : elle suppose donc une connaissance a priori. Mais ce concept d’une nature est confirmé par l’expérience, et il est même indispensable de le supposer pour pouvoir rendre possible l’expérience, c’est-à-dire une connaissance des objets des sens qui forme un tout fondé sur des lois universelles. La liberté n’est donc qu’une idée de la raison, dont la réalité objective est douteuse en soi, tandis que la nature est un concept de l’entendement, qui prouve et doit nécessairement prouver sa réalité par des exemples empiriques.

Mais, quoiqu’il y ait là une source de dialectique pour la raison, puisque la liberté qu’elle attribue à la volonté semble en contradiction avec la nécessité physique, et, quoique placée entre ces deux chemins, la raison trouve, au point de vue spéculatif, celui de la nécessité physique mieux battu et plus praticable que celui de la liberté, pourtant, au point de vue pratique, le sentier de la liberté est le seul où il soit possible de faire usage de sa raison en matière d’actions à faire ou à éviter ; et c’est pourquoi il est aussi impossible à la philosophie la plus subtile qu’à la raison la plus


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