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nappe d’eau, comme une seconde mer intérieure, dont les chenaux sont encore plus resserrés et mieux battus que ceux de Kobe, de Bongo et de Chimonoceki. En un mot, c’est le réduit de la puissance maritime de l’empire qu’on va nous faire visiter en détail.

Le vice-amiral Chibayama, commandant la place, petit homme sec et timide, s’est fait remplacer auprès de nous par son lieutenant, le contre-amiral Yamanoutchi. Cet officier, très populaire dans son pays, est surtout connu pour avoir inventé le système de fermeture tronconique à vis non interrompue dont sont pourvues aujourd’hui la plupart des grosses pièces de marine japonaises. Il était allé d’abord apporter sa découverte au Creusot, où on se moqua de lui, puis à une maison anglaise qui lui assura que son innovation allait révolutionner l’artillerie et lui fit prendre un brevet. En réalité, il n’était ni un imbécile ni un génie, mais simplement un constructeur habile, et le Japon, en adoptant le modèle qu’il proposait, lui a assuré des satisfactions à la fois matérielles et morales.

Notre guide nous mène d’abord aux casernes des conscrits, qui viennent d’arriver il y a quinze jours. Le recrutement de la marine japonaise fait appel par moitié aux volontaires et à la conscription. Chacun des quatre ports militaires reçoit cinq cents appelés