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suis frappé du contraste qu’offre partout notre bateau avec ses hôtes japonais et le drapeau blanc à disque rouge qui flotte à sa poupe. On a eu beau cacher sous une couche de peinture noire les caractères moscovites indiquant le nom du navire et barbouiller les mots Manchou-Marou en grandes lettres blanches d’un mètre cinquante : on n’a pu supprimer les jolies boiseries en bouleau sculpté qui rappellent l’isba de notre dernière Exposition universelle. Le bateau, en effet, est venu de Sassebo tel qu’il était, avec tout son matériel. Seul le piano a été supprimé, sans doute de peur que, par habitude, il ne se mît à jouer tout seul la Bojé Tsara Krani. Le paquebot paraît avoir gardé des sentiments de profond loyalisme pour son ancien pavillon ; il se venge comme il peut de ses oppresseurs. Dès que nous quittons la rade, une jolie brise de noroît aidant, il se laisse aller à un roulis confortable dont le premier effet est d’envoyer les trois quarts des Japonais au fond de leurs cabines. Là encore ils éprouvent des mécomptes, car les inscriptions qui dominent les portes sont indéchiffrables pour eux, et on m’a assuré qu’un membre de la Chambre des pairs en cherchant sa couchette a culbuté dans une baignoire.

Cependant les Européens, qu’un bon génie paraît favoriser, et quelques rares sujets du Mikado se