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Il y a deux sortes de luttes, la lutte ordinaire et le jiou-jitsou. La première est l’apanage d’une corporation spéciale soumise depuis des siècles à des traditions qui lui sont propres ; les lutteurs professionnels sont les seuls Japonais auxquels on permette encore de porter le chignon proscrit depuis la restauration impériale. Ils se distinguent aussi du reste de la population par leur haute stature et leurs proportions gigantesques entretenues grâce à un régime alimentaire particulier ; en cela ils se rapprochent de leurs collègues d’Europe.

La situation sociale des lutteurs ne peut mieux se comparer qu’à celle des toreros en Espagne. Leurs succès auprès de la partie féminine de la population et surtout des guéchas sont proverbiaux ; ces amours, loin d’être désintéressées, constituent pour ces messieurs une source de revenus qu’ils ne dédaignent pas.

J’ai assisté la semaine dernière à un tournoi qui a mis aux prises la troupe de Tokio et celle d’Osaka. Un grand cirque a été construit dans le quartier des théâtres ; bien avant l’heure, tous les gradins sont occupés par la foule accroupie. L’arène est un cercle de quatre mètres de diamètre. Elle est recouverte d’un vélum. Les champions doivent, pour vaincre, jeter leur adversaire à terre ou le faire sortir de la circonférence qui limite le terrain du combat ; ils