Page:Kann - Journal d'un correspondant de guerre en Extrême-Orient.djvu/52

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

affirmer dans son menu, comme dans l’adresse qu’il a lue l’autre jour à la Diète, ses bons rapports avec les puissances européennes. Le principe de la cuisine est français, mais, en guise de hors-d’œuvre, on nous présente des harengs fumés de Hambourg, puis un baril de caviar qui rappelle le temps où Saint-Pétersbourg et Tokio vivaient en paix. Des montagnes de sandwichs au jambon attestent l’alliance britannique, et je peux voir aux narines dilatées de deux reporters italiens que l’ail, cher au royaume méditerranéen, n’a pas été banni de tous les mets. Enfin quelques pâtisseries viennoises paraissent un juste hommage rendu au doyen des monarques régnants. Un seul pays n’est représenté par aucun plat, c’est le Japon.

Nous faisions honneur à ce pot-pourri culinaire, lorsqu’un des chambellans entra en coup de vent et nous annonça la destruction du Pétropavlovsk par la flotte de l’amiral Togo. Les Nippons, qui connaissaient la nouvelle depuis le matin et contenaient difficilement leur joie, lui donnèrent alors libre cours. Cette explosion d’allégresse était fort excusable ; je dois avouer que je goûtai beaucoup moins les larmes de crocodile qu’un de ces messieurs se crut obligé de verser sur le sort de l’amiral Makharoff et de son malheureux équipage.

Sur cette fâcheuse impression nous allions prendre