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naux ; ils ne demandent pas à être payés, la certitude d’aller en Corée suffit à les rendre heureux. Pendant la mobilisation de la division de Tokio, les casernes se trouvant trop exiguës, on cantonna des troupes dans les quartiers voisins des baraquements. Les habitants considéraient comme un honneur d’en héberger le plus possible. Il y a quelques jours, au cours de la traditionnelle tournée que chaque voyageur fait aux temples des Chôgouns, je remarquai que les rues les plus pauvres du quartier de Chiba étaient bondées de soldats ; on m’affirma que c’était à la suite de réclamations nombreuses qu’on les avait logés là, et que les pauvres hères du misérable faubourg s’étaient plaints de la faveur qu’on témoignait aux parties les plus riches de la ville en y cantonnant tous les réservistes.

Près des vieilles pagodes existe un lieu de pèlerinage que je trouvai encombré de fidèles : c’est le cimetière où reposent les restes de quarante-sept chevaliers qui s’ouvrirent le ventre, il y a quelque trois siècles, pour venger la mort du chef de leur clan. Leur mémoire est vénérée jusqu’à ce jour, et je traversai avec peine le grand jardin où s’élèvent les stèles funéraires. Une foule de soldats s’y pressait. Leurs regards suivaient la fumée grise de l’encens que les femmes brûlent sur les tombeaux en l’honneur des héros d’autrefois ; ils devaient penser que