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tion de première ligne et ses fortifications multiples, enfin le glacis de mort et la longue plaine jusqu’au Tchaho. Tout cela passe comme un mauvais rêve, nous ne quittons pas le galop, car partout dans les sorghos, des corps pourrissent. Les fossoyeurs n’ont pas terminé leur funèbre besogne ; à perte de vue, les colonnes de fumée révèlent la place des bûchers où les Japonais achèvent d’incinérer leurs morts. L’épouvantable odeur de cadavre est partout ; elle paraît nous poursuivre et courir derrière nous plus rapide que nos chevaux. Longtemps après avoir dépassé le champ de carnage, nous la sentons encore.

Avant la nuit nous atteignons la gare d’Anchantien. On y a construit un hôpital temporaire qui regorge de blessés et de malades. Le kakké fait des victimes de plus en plus nombreuses, mais les pauvres soldats qui en souffrent ne sont l’objet d’aucun soin. On ne leur accorde même pas de moyens de transport, et c’est un spectacle lamentable que les détachements de ces malheureux boitant le long des chemins sur leurs membres endoloris.

Anchantien possède de vastes hangars remplis d’approvisionnements. Ce qui m’étonne le plus ici, c’est l’absence de toute protection. Même à si courte distance de l’ennemi, on n’a laissé aucune fraction constituée : il n’y a toujours, comme garnison, que quelques modestes tringlots. Il faut véritablement