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La sympathie que notre presse exprime pour la Russie paraît fort naturelle ; il n’en est pas de même des pronostics ultra-optimistes qui l’accompagnent généralement et que semblent avoir inspirés les déclarations faites par quelques officiers russes aux correspondants de Saint-Péterbourg. Le mépris souverain avec lequel on y parle des Japonais n’est pas de bon augure pour ceux qui vont les combattre. Rien n’est plus dangereux que d’estimer son adversaire au-dessous de sa valeur. L’histoire militaire a de tous temps vérifié ce vieil axiome, et il n’est pas besoin de remonter bien loin pour en trouver un exemple frappant.

Les prophètes russophiles ne donnent pas beaucoup d’arguments pour justifier leur aveugle confiance, mais il en est un qu’ils affectionnent et répètent à satiété : « Voyez, disent-ils, la carte du monde ; regardez l’immense empire russe à côté du minuscule Japon. Que peuvent quelques îles contre cette masse énorme et compacte qui s’étend sur deux continents ? Elle n’en fera qu’une bouchée. » S’il fallait qu’un des belligérants s’emparât du territoire entier de son adversaire, la question de superficie jouerait, en effet, un rôle capital ; mais il s’agit simplement d’occuper la Corée et la Mandchourie. Pour une pareille lutte, sur un théâtre d’opérations relativement restreint, ce sont des