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multiplié les retranchements et les défenses accessoires sur toutes les faces de l’ouvrage.

Je restai une grande partie de la matinée à dessiner et à photographier cette redoute ; en sortant, j’eus une fois de plus l’occasion de constater à quel point le simple soldat japonais est bon et serviable. J’avais attaché mon cheval par la bride à un poteau eu dehors des fossés extérieurs ; lorsque deux heures après je vins le chercher, les fantassins avaient détaché le mors, entravé l’animal avec le licol ; l’un d’eux lui avait jeté une brassée de fèves et de sorgho, un autre était allé remplir un seau en toile à deux cents mètres de là, pour l’abreuver, et tout cela sans que je leur eusse rien demandé.

Vers midi, je passai la porte de l’est et traversai la grande avenue centrale de la ville. Jamais on n’aurait cru, à l’aspect des maisons et des rues remplies de monde, que les obus y étaient tombés sans interruption pendant deux jours. Les boutiques se rouvraient l’une après l’autre et déjà les bons de guerre circulaient entre les mains des marchands. Les braves Chinois, mitraillés hier par les batteries de la 5e division, avaient vu pendant la nuit leurs habitations pillées d’abord par les Russes, puis par les Japonais, qui avaient brisé les serrures des armoires et tout emporté. Ils affectaient pourtant une joie artificielle pendant le défilé de leurs pseudo-protecteurs et