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leurs tranchées, n’offraient qu’un objectif difficile à apercevoir. Pour les viser convenablement, les Japonais auraient dû quitter eux-mêmes la position couchée et cela, au prix de pertes telles que le mouvement n’eût pas pu se poursuivre. Toute l’attaque s’était exécutée sans faire usage du feu ; à la lettre, aucun coup de fusil n’avait été tiré par les fantassins japonais.

Ce procédé d’attaque sans tirer est complètement nouveau et se trouve en contradiction absolue avec toutes les théories émises jusqu’à ce jour. Sur les positions enlevées, je rencontre de nombreux officiers d’infanterie avec qui je m’entretiens de cette tactique employée la veille :

— Vous êtes sans doute étonné, me dit l’un d’eux, des différences qui existent avec ce que vous avez pu voir chez vous en temps de paix. Nous ne l’avons pas moins été nous-mêmes, car vous savez que nos règlements sont identiques à ceux des armées européennes ; aussi avons-nous commencé par manœuvrer selon les livres, et c’est ainsi qu’on nous a fait enlever les lignes de Nanchan, le 27 mai, en une seule journée, mais au prix de quelles pertes !… Notre 3e division, qui était à gauche et ne bénéficiait pas du secours des canonnières embossées dans la baie de Kintchéou, fut décimée. Cette leçon nous profita, et grâce à l’expérience acquise, nous sommes arrivés à marcher moins vite et à nous couvrir