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Aux exigences de cette circulaire viennent s’en ajouter de nouvelles qui font l’objet de notes quotidiennes. On est arrivé à imaginer pour les reporters un équipement si extraordinairement complet que leur départ comportera des difficultés sensiblement égales à la mobilisation d’un corps d’armée. Ils doivent se procurer, en outre, un interprète, un domestique et deux chevaux, l’un pour l’interprète, l’autre pour son patron. Lorsque tout est prêt, il n’y a plus qu’à attendre le bon plaisir des autorités.

L’état-major a divisé les correspondants en plusieurs fournées de quinze à vingt, d’après l’ordre de leurs demandes au Ministère, et donné à chacun un numéro d’ordre indiquant son tour de départ par rapport aux autres groupes. C’est le seul renseignement accordé aux infortunés sur leur destinée future, qu’ils attendent ainsi catalogués, comme des colis en consigne dans une gare. Ils ne savent qu’une chose, c’est qu’ils partiront un jour, mais ignorent la date de leur embarquement, le mode de transport qu’on leur fera subir, la fraction de l’armée à laquelle ils seront attachés et jusqu’à la destination qu’on leur donne.

Voilà pourquoi les couloirs de l’Imperial Hotel dégagent et dégageront longtemps encore une forte odeur de whiskey et pourquoi aussi retentissent dans le bar de fréquents jurons en langue anglaise.